Objet du mois

Ernest Quost : Oeuvres sur faïence

Ernest Quost : Oeuvres sur faïence

Ernest Quost (1844-1931, École Française) est un peintre qui a collaboré avec la Faïencerie de Sarreguemines.

Artiste reconnu, il a côtoyé les plus grands de son époque (Monet, Van Gogh…).

Sociétaire des Artistes Français depuis 1887, médaillé entre autres aux Expositions Universelles de 1889 et 1900, le Bénézit, bible de référencement des artistes, lui consacre une place conséquente. De nombreux musées conservent ses œuvres.

Il a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1883, puis élevé au rang d’Officier en 1903.

Ernest Quost a collaboré également avec la faïencerie de Longwy et celle de Montigny sur Loing spécialisée entre autres dans la technique dite de la barbotine colorée. A Longwy son nom est associé à des coupes ornementales et à des plaques de faïence.

De sa collaboration avec la faïencerie sarreguemineoise on retiendra les décors peints sur des plats monumentaux, parfois encadrés de boiseries noires. Ce sont le plus souvent des décors floraux, des natures mortes…

 

Ernest Quost

Photo 1 : Nature morte

 

Ces rares plats, qui sont des pièces uniques peintes par l’artiste, ne figurent évidemment pas dans les catalogues publicitaires de la faïencerie. Ces œuvres ont été commandées à l’artiste par Sarreguemines, effectuées sur une faïence émaillée de la faïencerie, le travail de peinture a été effectué de sa main, probablement dans son atelier.

 

Ernest Quost

Photo 2 : Paysage

 

Ces commandes, qui s’adressaient à des artistes de renom, ces œuvres prestigieuses avaient pour finalité de mettre en valeur la faïencerie. Non pas que les artistes de la faïencerie n’aient point été à la hauteur pour ce type d’exécution, mais ces pièces artistiques peintes étaient un vecteur de communication valorisant, surtout quand elles étaient présentées dans des expositions, notamment les Expositions Universelles, fort visitées à l’époque.

 

Ernst Quost Fleur

Photo 3 : Nature morte

 

Le nom de Quost est mentionné également dans les catalogues de panneaux décoratifs ou de revêtements décoratifs pour salle de bains. Les décors ont été créés par Ernest Quost mais il est très peu probable qu’il ait travaillé lui-même sur les panneaux. On relèvera dans les catalogues, série B planche 16, le magnifique décor « Les baigneuses » par Quost, revêtement décoratif pour salle de bains, série B planche 13, le non moins superbe décor « Hortensias et iris, par Quost, panneau décoratif, en émaux cernés grand feu, d’après maquette ou dessins spéciaux ». Les décors pour panneaux ont été créés par l’artiste, leurs reports sur les panneaux ont été effectués par des spécialistes de la faïencerie. Dominique Dreyfus dans son ouvrage sur Longwy, écrit dans la présentation d’Ernest Quost (page 92) : « Pour Longwy, il exécute de nombreux dessins aquarellés destinés soit à des plaques de faïence soit à des coupes ornementales. Les dessins originaux conservés par les Faïenceries de Longwy portent tous de la main de Quost des notes « à l’attention de l’exécutant » ; tout laisse donc penser que Quost, artiste peintre, et non céramiste, a fait réaliser ses pièces, plus qu’il ne les exécutât lui-même. »

 

Ernest Quost

Photo 4 : Nature morte

 

Dans les pièces que nous venons de présenter la place de l’artiste est prédominante. Elle est un vestige d’une culture céramique qui a été mise à mal par la Révolution Industrielle : produire plus vite, à moindre coût, en plus grandes quantités, une production de masse et de séries. Elle s’optimise par la simplification des tâches, par la mécanisation. L’objet passe entre de nombreuses mains, peu qualifiées, chacun contribuant à une part modeste dans le processus de fabrication de l’objet.

Les grands capitaines d’industries ont, et c’est leur rôle et leur but, un souci de profit. Leur objectif est de toucher un public le plus large possible. Les établissements céramiques, du moins les plus importants, les autres qui n’ont su s’adapter ont souvent disparu, ces établissements ont donc modernisé leurs entreprises, intégré des processus de fabrication divers, élargi leurs gammes de produits afin de toucher le plus grand nombre. Se développe une civilisation industrielle. Dans les faïenceries industrielles on observe une relation entre l’art et l’industrie, entre l’art et des techniques industrielles.

 

Ernest quost

Photo 5 : Attribué à Ernest Quost

 

La faïencerie de Sarreguemines, et plus tard ses succursales, ont à merveille intégré cette conception, vendre au plus grand nombre, du plus humble au plus fortuné, permettant ainsi à cette faïencerie lorraine, sur les rives de la Sarre, de devenir vers la fin du 19ème, début 20ème, l’un des établissements céramiques les plus importants au monde.

Pour illustrer nos propos nous reprendrons les lignes d’un article publié dans Le Figaro. Le journaliste se nomme Jules Richard. La copie de l’article que nous possédons n’est point datée. Elle a cependant été envoyée par la manufacture de Sarreguemines à un correspondant pour lui présenter la faïencerie. L’en-tête de la lettre accompagnatrice mentionne les manufactures de Sarreguemines, Digoin et Limoges, ce qui permet de dater le courrier vers 1877.

 

Lettre Sarreguemines

Photo 6 : Lettre de la faïencerie de Sarreguemines vers 1877

 

…« Sarreguemines fabrique – lisez bien le chiffre – 15 millions d’assiettes par an ; et cette fabrication ne compte dans son inventaire que pour le tiers de sa production ; il faut donc estimer à 40 millions le nombre des objets grands et petits qui sortent de ses fours et de ses ateliers. »…

…« La manufacture de Sarreguemines… c’est une ville, un monde… sa population est de 2636 personnes… (dont) 150 ouvriers pour le service des magasins et de l’emballage, 50 pour fabriquer les harasses, caisses et tonneaux dans lesquelles s’expédient les produits ; »…

…« Et maintenant, Parisiens, si vous voulez aller rue Paradis-Poissonnière, 28, vous trouverez tout le vieux Sarreguemines et le nouveau Digoin dans le splendide dépôt qui y est établi. La visite en vaut la peine ; c’est un vrai musée de céramique où tous les modèles de ces deux fabriques sont méthodiquement présentés, depuis la plus humble pièce jusqu’à la plus belle ; les pièces que l’on fait pour tout le monde, pour le millionnaire et le petit bourgeois, pour ce que j’appelle S.M. Le public.

Et si elles ne vous plaisent pas, si vous êtes un raffiné, un délicat, il y a rue Paradis-Poissonnière un atelier de décoration dirigé par un habile artiste, M. Marchand, qui est chargé spécialement des pièces uniques ; il vous fera des chefs-d’œuvre. »…

 

Bibliographie :

– BENEDICK A., « La Faïencerie de Sarreguemines », Éditions ABM, 2009.

– BÉNÉZIT E., « Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs », Tome 8, Édition Librairie Gründ, Paris, 1976.

– DECKER É., « Sarreguemines au XIXème siècle : la Faïencerie Utzschneider 1790-1914 », Thèse de Doctorat à l’Université de Nancy II, Discipline : Histoire de l’Art, présentée le 26 janvier 2001.

– DREYFUS D., « Longwy, les marques, les signatures », Éditions Dominique DREYFUS, Longwy, 1989.

– « Fayenceries de Sarreguemines Digoin et Vitry-Le-François, Planches de Catalogues », Éditions Faïencité, Sarreguemines, 2001.

– RICHARD J., article paru dans le journal LE FIGARO et reproduit par la Faïencerie de Sarreguemines, vers 1877.

 

Nous remercions le Musée de Sarreguemines pour la mise à disposition de documents photographiques.

 

Crédit photographique :

  • Photos n° 1, 3 et 4 – Christian Thévenin
  • Photos n° 2, 5 et 6 – Yaara Benedick