Objet du mois

La Porcelaine de Sarreguemines

La Porcelaine de Sarreguemines

Les rues de Noël qui scintillent de mille feux, les tables de fêtes qui revêtent leurs plus beaux habits, le sapin qui avec bienveillance nous enveloppe de son regard protecteur accompagnent le bien-être, la joie et la chaleur qui nous envahissent en cette période, année après année.

Nappes brodées, chandeliers, verrerie, argenterie et services de tables s’associent à ces émotions. Nombre de services de la faïencerie de Sarreguemines accompagnent ces moments privilégiés.

De cette riche production lorraine sur les rives de la Sarre, la porcelaine sarregueminoise suscite particulièrement l’admiration.

Produite à partir du milieu des années 50 du 19e siècle, cette céramique à pâte blanche, translucide, légère et douce au toucher sera fabriquée à Sarreguemines pendant plus de 80 ans.

La porcelaine sarregueminoise qui s’inspire largement de travaux effectués en Angleterre est essentiellement une porcelaine phosphatique, céramique qui se caractérise par l’introduction de poudre d’os broyés et calcinés, matière première peu onéreuse, dans la composition de la pâte. On utilisait principalement des os de ruminants, les os d’autres animaux altèrent plus ou moins la couleur de la pâte en raison du fer qu’ils contenaient.

La cuisson de la pâte s’effectuait à 1200°. La maîtrise de cette opération était essentielle : peu de grandes pièces ont été produites, elles se déformaient trop souvent à la cuisson.

Un précieux document édité en mars 1901 « Tarif des Produits céramiques de Sarreguemines et Digoin, Porcelaine genre anglais » nous est parvenu. Il recense l’étendue de cette production à l’aube du 20e siècle, plus de 300 décors présentés sur 41 formes différentes. Pour certaines de ces dernières, des services complets avaient été réalisés avec un nombre important de pièces différentes, pour d’autres des pièces isolées uniquement.

L’impression lithographique sur glaçure, rehaussée de couleurs vitrifiables posées au pinceau était le procédé de décoration habituellement utilisé. Rares sont les pièces peintes mains. Cependant dans les premières années de la production, on utilisera uniquement le transfert d’impression. Ce sont alors des décors monochromes ou bicolores. Cinq couleurs étaient utilisées : bleu, rouge, mauve, vert, brun. Le noir a également été observé sur un vase. Certains de ces premiers décors étaient de la main ou pouvaient être attribués à Philippe Müller (1811-1893), graveur sur cuivre qui travaillait également à la faïencerie voisine de Wallerfangen en Sarre.

Les motifs sur porcelaine étaient, à Sarreguemines, identifiés par un numéro, plus rarement par un nom. On retrouve cependant quelques mêmes décors, conjointement sur la faïence et sur la porcelaine.

Les sources d’inspiration des décors proposés sur porcelaine par la faïencerie sont variées. Certaines proviennent d’autres manufactures ou s’en inspirent (Minton, Meissen, Fismes, Wallerfangen…), d’autres trouvent leurs sources dans le naturalisme, dans les mouvements artistiques (Art Nouveau, Art Déco…), dans les décors caractéristiques d’une époque (1er Empire par exemple), dans l’extrême Orient… On connait également des commandes particulières.

Une étape importante dans la palette des décors sera en 1862 le rachat de ceux de la manufacture Vernon à Fismes. Cet établissement qui fermait ses portes, s’inspirait de réalisations anglaises de motifs d’Extrême Orient, principalement de décors imitant ceux de la porcelaine chinoise « famille rose ».

On connait des pièces de très grande qualité décorées à la main, parfois avec des rehauts de dorure.

Victor Henri Reitter (1859-1923) a peint une trentaine de vases pour une exposition parisienne. Sa signature est apposée sous ces pièces.

La production de la porcelaine phosphatique à Sarreguemines s’arrêtera avec le début des hostilités de la 2ème Guerre Mondiale.

On notera que le groupe sarregueminois sera propriétaire de la Manufacture porcelainière Dubois à Limoges entre 1867 et 1876.

La manufacture que Sarreguemines racheta à Vierzon produisit de la vaisselle hôtelière et des objets décoratifs en porcelaine (1973-1980).

De la porcelaine hôtelière a été produite à Digoin, établissement du groupe sarregueminois.

De grande qualité, bannière de la Faïencerie, la porcelaine sarregueminoise qui soutint avec succès le regard d’autres centres faïenciers importants, est aujourd’hui encore recherchée, collectionnée et appréciée.

C’est un bonheur de la retrouver sur nos tables de fêtes.

***************

Bibliographie :

  • BENEDICK A., RADUNZ U.,Sarreguemines, la porcelaine, Editions Pierron, 2002
  • UTZSCHNEIDER & Cie, Tarif des produits céramiques de Sarreguemines et Digoin, Porcelaine genre anglais, mars 1901

Crédit Photographique:

  • Musée de Sarreguemines – Fig. 1, 2, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 22
  • Claudine KLEITZ – Tête d’article, Fig. 14
  • Margitta BRINKMANN – Fig. 3
  • Yaara BENEDICK – Fig. 4, 5, 8, 15, 18, 19, 20, 23
  • Alain BOUILLE – Fig. 21