Moutardiers sur les rives de la Sarre
Un moutardier est le terme qui désigne indifféremment la personne qui fabrique ou négocie de la moutarde, mais également le récipient destiné à contenir ce condiment.
La recette de la moutarde est déjà publiée au IVe siècle dans le De re coquinaria d’Apicius, nom donné à une compilation en 10 volumes de recettes romaines. (1)
Ce condiment, ainsi que les petits pots qui le contiennent, vont traverser les siècles.
L’importance de ce condiment va enrichir la langue française. L’expression « il se croit le premier moutardier du pape » désignait une personne médiocre, de peu de capacité, qui avait une haute opinion d’elle même, qui se prenait pour quelqu’un d’important.
C’est Alexandre Dumas, dans son étude sur la moutarde, qui nous éclaire sur cette expression qui serait née en Avignon. Le pape Jean XXII (XIVe siècle), qui raffolait de la moutarde, en mettait dans de nombreux mets. Ne sachant que faire d’un neveu bon à rien, il en fit son premier moutardier. De là viendrait l’habitude de dire d’un sot vaniteux qu’il se croit le 1er moutardier du pape. (2)
Cette expression est déjà évoquée dans le dictionnaire de Trévoux, ouvrage rédigé sous la direction des Jésuites entre 1704 et 1771. Mais pour de nombreux autres auteurs il ne s’agit que d’une invention, une anecdote comique, il n’y avait jamais eu de moutardier dans la maison papale. (1)
Le pot à moutarde était de petite taille, généralement en faïence blanche. Un bouchon de liège, protégé par une capsule en étain, complétait l’étanchéité du produit – la pièce était ensuite scellée à la cire. (1)
Un règlement de l’orfèvrerie du 30 décembre 1679 nous enseigne qu’il en existait en métal, probablement en étain et en métaux précieux: « Les moutardiers seront marqués et contremarqués au corps ; le pied, anse et couvercle seront marqués du poinçon du maître ». (3)
Ce pot, qui s’écrivait moustardier en 1514, est aujourd’hui très apprécié. Sa petite taille, ses formes élégantes, la diversité de ses décors en font une thématique qui a séduit les collectionneurs. Certains sont attentifs à tous les moutardiers, d’autres privilégient comme fil conducteur de leur passion une époque, un matériau ou l’origine des pièces.
Notre propos portera sur les moutardiers à la faïencerie de Sarreguemines.
Une classification en 4 catégories peut être retenue :
– Des moutardiers, généralement de couleur blanche, portant des inscriptions nous renseignant sur le nom et l’adresse du fabricant, quelques fois sur celui d’un négociant.
– Des moutardiers enrichis par le décor d’un service de table. Ils se définissent par des formes répertoriées par un nom dans les catalogues, ainsi que par le nom du décor du service.
– Des moutardiers dont le contenant prend la forme d’un animal, un personnage ou une plante. Ces pièces portent un numéro de moule et également un nom attribué par la faïencerie, ou quelques fois par les collectionneurs.
– Des pièces où les trois principaux condiments, moutarde, sel et poivre, sont réunis en un seul objet. Ces objets sont dénommés « moutardiers trois usages ».
Certains moutardiers peuvent être classés dans deux de ces catégories.
Les différents tarifs et catalogues édités au fil du temps par la faïencerie sont riches d’informations aujourd’hui pour les collectionneurs. Notons que dans le plus ancien qui nous soit parvenu, « Prix courant du cailloutage blanc et peint, et d’autres poteries fines, de la Manufacture de Sarreguemines, Département de la Moselle », que l’on date vers 1806-1810, on observe des moutardiers sur plat et sans plat au même prix en « cailloutage blanc » et en terre rouge dite « Carmélite ». (4)
La faïencerie de Sarreguemines a proposé plusieurs centaines de moutardiers. Malgré nos connaissances il n’est pas rare de croiser de nouvelles pièces. Nous vous présentons un aperçu de cette riche production. (5) (6)
C’est avec plaisir et intérêt que l’on visitera l’exposition « Moutardiers de Sarreguemines » qui aura lieu du 14 mars au 22 avril 2017 au Musée de Sarreguemines.
Cette exposition est organisée par l’Association Sarreguemines Passions en collaboration avec le Musée de Sarreguemines.
Je me réjouis de retrouver également certains d’entre vous à la prochaine Foire de Chatou (78) du 10 au 19 mars 2017.
Un grand merci à celles et ceux qui ont partagé avec nous leurs connaissances.
Sources bibliographiques :
(1) Wikipédia
(2) DUMAS A., étude sur la moutarde, annexe du Grand Dictionnaire de Cuisine, LEMERRE A., Paris 1873
(3) LITTRE E., Dictionnaire de la Langue Française (1872-1877)
(4) MAIRE Ch., Histoire de la Faïence Fine Française 1743-1843, édition de la Reinette, 2008, pages 301-302.
(5) DECKER E., THEVENIN Ch., Faïences de Sarreguemines, les Arts de la Table, Presse Universitaire de Nancy, 1992
(6) BOCK C., BENEDICK A., Le moutardier, in Le Bulletin, Sarreguemines Passions, N° 2, Sarreguemines, octobre 2009, pages 2-3.