Objet du mois

Perplexité

Perplexité

Ce n’est point trop souvent mais il arrive que l’on reste perplexe devant un objet portant la marque sarregueminoise. Des questions sont alors posées auxquelles on essaye de répondre par nos connaissances, mais également quelques fois par déduction, et par un bon lot d’hésitations.

En point de mire une certitude : en l’absence d’informations précises émanant de la faïencerie, l’erreur peut nous guetter à chaque ligne.

Je vous invite donc aujourd’hui à me rejoindre et à nous intéresser à un encrier portant la marque de la manufacture sur les rives de la Sarre.

Vos réflexions, idées et commentaires seront les bienvenues.

L’encrier se compose de deux parties.

L’une en faïence porte le décor « Montmorency », la seconde est en métal.

encrier Montmorency

Encrier décor « Montmorency »

La question qui est posée est la suivante :

Cet objet a-t-il été fabriqué et commercialisé par la faïencerie de Sarreguemines ? Ou un fabriquant d’encriers (ou un bricoleur) en est-il à l’origine ?

La partie en faïence se présente comme un bol sur pied circulaire, avec deux anses latérales.

Quelques mots sur le décor « Montmorency » à Sarreguemines :

Reprenons pour le décrire les propos de Ms Émile Decker et Christian Thévenin dans leur ouvrage sur les Arts de la Table à Sarreguemines : « Montmorency, décor central d’une balustrade et de fleurs traitées à la manière orientale, sur l’aile, alternance de quadrillés verts et de fleurs dans des réserves blanches. Ce motif imite les productions de Rouen, notamment celles de Guillibaud (1720-1749). » Les auteurs précisent que ce décor est présent sur le tarif des produits faïenciers d’avril 1898 et sur les catalogues de la faïencerie vers 1920 et vers 1925. Ils nous enseignent que « ce motif porte le nom du Duc de Montmorency-Luxembourg qui reçut au début du XVIIIe siècle de la Ville de Rouen un service décoré aux armes de sa famille » (pages 85 et 87).

On retrouve ce décor sur des services de table, à café, thé et sur des articles de fantaisie.

La partie métallique recouvre la partie en céramique. De forme circulaire, elle présente quatre orifices : pour le porte godet en verre à couvercle charnière, pour la plume, pour le cachet, le dernier pour la cire à cacheter.

Le pourtour de la partie métallique, le couvercle du porte godet ainsi que les orifices présentent une torsade.

Encrier céramique

Réflexions

  • Nous avons consulté l’ouvrage « Encriers & Écritoires » de François Podevin-Bauduin, nous y avons observé deux encriers présentant de grandes similitudes dans leur partie métallique avec l’objet de notre propos. Celui en Creil est en faïence, l’encrier de Chantilly est en porcelaine.

Le premier date du début du 19ème siècle, le second du début du 20ème. Le cachet de l’encrier en Sarreguemines, ainsi que son décor permettent d’avancer une datation vers 1900-1920.

Encrier Creil

Encrier Creil

Encrier Chantilly

Encrier Chantilly

 

  • La comparaison de l’encrier étudié avec d’autres pièces de la faïencerie portant ce même décor nous conduit vers un sucrier sans couvercle.
Sucrier Montmorency

Sucrier Sarreguemines décor « Montmorency »

On remarquera que la partie métallique de l’encrier est parfaitement ajustée à l’intérieur du trait bleu circulaire de la partie basse du sucrier.

  • Des anses latérales sur un encrier de forme circulaire semblent superflues. Les rares encriers en céramique observés avec des anses sont ovales. On retrouve cette particularité également sur des écritoires rectangulaires en métal.

Conclusion :

Cet encrier n’a pas été conçu à la faïencerie de Sarreguemines.

Nous sommes en présence d’un objet qui a été probablement créé par une fabrique d’encriers qui utilisait des pièces existantes de différentes faïenceries afin de les adapter et les transformer en encriers.

On peut affirmer que la faïencerie aurait créé une pièce spécifique pour servir de récipient à la partie métallique de l’encrier.

Encrier Montmorency

Bibliographie :

  • Decker E, Thévenin Ch., « Faïences de Sarreguemines, les arts de la table », Presse universitaire de Nancy, 1992
  • Podevin-Bauduin F., « Encriers & Ecritoires », Editions Pierron, 2003