Mme Biedermeier

Plusieurs regards différents peuvent définir un objet. On peut s’intéresser à l’esthétique, à la matière, aux processus de fabrication, au sujet représenté, à son utilisation… Mais on peut également s’intéresser aux symboles, à sa place dans la société, aux événements ou histoires que cet objet évoque ou véhicule.

Notre ami Jérôme Dhuy a montré dans un excellent article, La botte de Pandore, ou « l’expression d’une nouvelle forme de caricature »¹, que la faïencerie de Sarreguemines avait créé des objets dont la fonction ne se limitait pas qu’à leurs aspects esthétique ou utilitaire.

Jérôme Dhuy écrivait : « Par la création de cet objet entre 1870 et 1875, la faïencerie de Sarreguemines montre qu’elle est, à cette époque, à l’écoute du monde qui l’entoure. Elle démontre également qu’elle est acteur de son temps en dénonçant un certain nombre de pratiques qui ne lui semblent pas acceptables. Elle prouve enfin, avec cette « botte de Pandore », qu’elle est à la pointe de la création artistique en osant par l’intermédiaire d’objets en céramique, une nouvelle caricature qui fait appel à la symbolique. »

Ainsi en est il, pensons nous, de la très rare « statuette Mme Biedermeier, pot à tabac », pour reprendre le descriptif de ce n° 3810 dans la liste des numéros de forme des objets artistiques, de fantaisie et de décoration à la faïencerie de Sarreguemines.

Créé vers 1908-1909, cet objet en majolique a un conjoint, le n° 3809, Mr Biedermeier, présenté également comme statuette et pot à tabac.

On désigne par Biedermeier un style qui a profondément marqué les arts décoratifs, la peinture, la sculpture… en Allemagne et en Autriche. Contemporain aux styles des époques Restauration et Louis Philippe en France, on le date généralement de 1814 à 1848.

Très présent dans les classes moyennes, le Biedermeier est une culture qui se traduit par une manière de vivre, un goût du confort bourgeois, un repli sur soi, sur la famille, le foyer, une moralité irréprochable.

L’homme est le chef de famille, la femme au foyer. L’éducation des enfants est importante.

A cette époque l’apprentissage des filles dans cette bourgeoisie passe par les travaux féminins et le piano. On privilégie en famille la poésie, le chant, l’opéra, la lecture…

La fête de Noël avec le sapin, les chants , les cadeaux… se développe pendant cette période. L’industrie du jouet prospère.

On retiendra cependant que le terme Biedermeier qui décrit cette culture bourgeoise n’apparaît qu’un demi siècle plus tard, vers 1900.

Il existe d’ailleurs à cette époque un Monsieur Biedermeier fictif. C’est un instituteur de village, personnage à l’âme simple qui écrit des poésies.

Ce pot à tabac véhicule donc un passé important qui, observé un demi siècle plus tard, l’est avec un regard légèrement amusé et quelque peu ironique sur une manière de vivre bourgeoise stéréotypée.

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